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Pulsion créatrice

 

 

Tout d'abord un flash, peut-être à n'importe quel moment de la journée, mais souvent entre 4 et 5 heures du matin, cet instant pendant lequel la conscience côtoie les sombres abîmes de l'esprit. Cet espace intemporel où s'amalgament les images précises de mes sens en éveil et la reconstruction subjective du monde réel.

 

Puis la matière se rassemble, prend forme, une forme, puis une autre, se transforme en film. Rien n'est stable. Ce qui paraît prendre sens, soudain se désagrège, et de nouveau, émerge du magma une autre proposition.

 

Enfin une esquisse se devine, quelques formes, des lignes, des couleurs, une ambiance, prennent place, le mouvement se ralentit, et le rêve devient rêve, jusqu'au matin.

 

Tout au long de la journée, il reste tapi, là derrière les gestes du quotidien, au secret, venant perturber mon attention sur mes tâches et mes relations aux autres. « Tu as l'air préoccupé ?». « Non, non je pense à un truc mais je ne saurais dire quoi. J'ai fais un rêve, j'en garde une impression bizarre. Quelque chose qui demande à sortir. C'est pressant, confus et clair à la fois. Il suffirait d'un rien pour que cela émerge ».

 

 

 

Les jours passent et les nuits aussi. L'entité est en mouvement, elle devient plus présente. Elle encombre mes pensées, devient force qui pousse la porte de la conscience, ne demande qu'à exister.

 

Puis, combien de temps après sa naissance, elle s'éclaire et elle est « là », comme une évidence. Une pensée, une idée pure, parfaite, juste à concrétiser.

 

Cette fois, elle s'empare de mon quotidien. Elle ponctue chaque intention et, chacun de mes actes est empreint de cette idée. De nouveau j'entends cette interrogation « tu as l'air préoccupé ? ». En vérité c'est pire c'est un besoin irrépressible, une pulsion grandissante qui frise l'obsession.

 

Seul moyen de la calmer c'est de s'emparer d'un outil, burin, masse, pinceau, couteau, pierre, peinture et de se jeter dans l'ouvrage. Laisser l'élan devenir force créatrice. Laisser la pensée brute se calmer, s'autoréguler. Attendre de voir se matérialiser l’œuvre avec toute sa beauté, ses équilibres et ses imperfections.

 

Voir, enfin, apparaître dans la lumière et la matière, cette inconnue de la nuit.

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Corinne Lelaumier (mercredi, 18 mars 2020 19:17)

    Très beau, très fort, très juste, en fait c'est aussi rassurant car je me sens moins seule.
    Merci
    Corinne

  • #2

    marie monribot (jeudi, 19 mars 2020 09:51)

    Magnifique texte .
    Combien de fois ai-je pu ressentir cela , au plus profond , sans pouvoir donner un nom à cette présence de plus en plus présente, de plus en plus précise, jusqu'à devenir réalité.
    merci
    marie